Chapitre°1 – L’apprenti couturier

Les rayons de la lune jouaient à cache-cache entre les feuilles des gommiers blancs bordant la case créole de la famille Angel.

Ses locataires sommeillaient paisiblement dans la bâtisse nichée sur le plateau du volcan éteint Empédocle, de l’île tropicale d’Amarante.

À minuit passé, Ti-Cœur Angel, apprenti couturier cararibéen de treize ans, sortit de son lit en s’étirant. L’insomniaque alluma le bougeoir de son coin couture en bois d’acajou, fabriqué par son grand-père, Pa Angel.

Le métis ouvrit les portes de l’armoire aux deux miroirs d’essayages. D’une longueur de deux mètres, elle couvrait la façade de sa chambre. Des tiroirs remplis d’accessoires, et une série de pochettes en tissu lui permettait de ranger sa mercerie. Il s’enorgueillit de sa machine à couture à pédale portative, utilisable sur une tablette coulissante. Deux étagères complétaient l’ensemble, où s’étalaient divers patrons, revues de mode, et des boîtes métalliques.

L’enfant déplia une table escamotable en guise de bureau, s’assit sur son tabouret, puis se mit à l’aise en surélevant ses pieds sur un petit banc en bois de teck. Il s’empara de son carnet relié de boutons nacrés, et colla en couverture une photo du costume de marin qu’il venait d’achever. Elle incarnait la fierté de son travail achevé.

Le garçonnet tourna une nouvelle page, posa un calque sur un feuillet, et gribouilla un modèle carnavalesque. Au bout d’un instant, énervé, il froissa sa feuille, et la jeta dans sa corbeille.
Je n’arriverai pas, maugréa-t-il.

Tout à coup, une idée lui vint. L’apprenti se vêtit d’un tricot de peau, d’un pantalon, et d’une veste en madras. Puis, il saisit la poignée de la porte de sa chambre en enfilade donnant sur celle de ses grands-parents. Soudain, il se ravisa.

Ses grands-parents, Elise et Eugène Angel ronflaient en cadence.

Les grincements de la porte vont les réveiller, stipula-il.

L’habitat créole disposait de deux vastes pièces. L’une servait de chambres, séparées d’une fine cloison, l’autre plus grande, comprenait la cuisine, salle à manger et le salon prolongé d’une large véranda au toit de taule.

L’intrépide métis s’approcha des persiennes, ouvrit la fenêtre, puis l’enjamba. Il passa par la courette, traversa le jardin. Les chants des grillons résonnaient lorsqu’il s’engagea dans les sentiers caillouteux.

Soudain, une rafale de mitraillette retentit. Terrifié, Ti-Cœur s’aplatit au sol.

(…)

Les activités autour du camp militaire de la nouvelle caserne terminée en ce début de janvier 1940, dans les hauteurs de la baie de Quiscale, témoignaient de l’agitation nocturne des soldats pendant la guerre.

A l’affut du moindre bruit, l’enfant continua sa ballade en bravant le couvre-feu des autorités. Après un long parcours, il descendit les sentiers escarpés de la montagne, puis s’assit sur un rocher pour reprendre son souffle.

La dernière veillée aux récits effrayants, contés par son grand-père sur les brigands de la forêt, lui vint à l’esprit. Ti-Cœur pria pour ne pas croiser « les 17 brigands de la route des Gorgones »(1) Veillée n°1 de Pa ANGEL.

Le craquement d’une branche le fit sursauter. Se sentant épié, l’apprenti activa sa marche. (…).

La suite du chapitre sera diffusée prochainement.

(Publication partielle)

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